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aby
02/08/2004, 04h39
Une nuit d’ Octobre 1993, dans le marais de Gorge.

Il est déjà tard, on arrive dans le marais. La nuit s’annonce sous de bonnes auspices. Dans l’après-midi un fort vent de Nord s’était levé. Malheureusement un dîner avec des amis nous avait retenu à la maison et il avait fallut attendre les environs de 22 heures pour pouvoir se préparer et partir à la chasse.
Nous entamons la longue marche qui nous mène au Gabion. Il faut passer des barbelés puis monter sur la longue butte qui sépare la tourbière de Gorge -exploitée par l’usine Sanofi- du marais qui donne sur le mont du Plessis- Lastelle.
A gauche de la butte donc, un beau marais d’environ 400 hectares, peuplé de joncs, d’herbes hautes et coupé en son milieu par une longue haie de saules. A droite l’immense tourbière noire, creusée par les pelleteuses, qui s’étendait à perte de vue, entrecoupée de monticules de tourbe disposés sur toute la longueur de la tourbière. A la fin de l’automne l’endroit offrait un formidable spectacle. Les monticules, hauts d’environ trois mètres, émergeaient du lac que formait la tourbière inondée. Par temps de passage de nombreux migrateurs venaient se reposer sur la partie émergée de ces promontoires de tourbe. La tourbière étant en réserve, le gibier abondait, peu dérangé. On a pu observer jusqu’à une centaine de pilets posés à flanc de l’un de ces monticules, au sec.

Après vingt minutes de marche nous arrivons au pied du gabion. Celui-ci se situait entre le marais et la tourbière à quelques mètres de la butte qui à cet endroit se faisait moins haute. Un emplacement idéal. D’un coup d’œil rapide on pouvait embrasser le paysage creusé et sombre de la tourbière et celui plus rassurant du marais. Une rivière d’environ deux mètres de large longeait la mare et débordait assez souvent sur le clair. Il était donc assez fréquent que du gibier approche directement à la nage. Le seul autre gabion présent dans le marais se situait à cinq cent mètres sur la droite derrière une futaie de saules. On était presque seuls au monde...
Il est environ 23h30. Le vent du Nord se fait plus intense. Il faut disposer les appelants.
On pique quatre canes d’un coté, deux mâles de l’autre et la court-cri avec deux hybrides de sarcelle du chili près du paquet de forme au milieu du clair à une vingtaine de mètre des guichets. On s’installe rapidement dans le gabion. L’attente commence, on est aux environs de minuit. Le vent souffle avec virulence et se heurte au guichet côté nord dans un bruissement qui semble annoncer les vols de canards. La mare est mouvementée, les vaguelettes font dandiner les appelants le long du cordeau. Une heure se passe sans pose, on commence à s’interroger : « Et si le passage était déjà fait ? », « et si c’était pour la nuit prochaine ? », mais on espère.
Deux heures puis trois heures du matin, rien ne passe. La fatigue se fait sentir et on décide de dormir deux heures. Après un court sommeil c’est le sursaut. Les appelants chantent de concert, la court-cri annonce la donne. Il est cinq heures, le gibier commence à passer mais le vent est fort et les vagues nous empêchent de distinguer clairement d’autant plus que la nuit est vraiment sombre. Fernand repère une pose de quatre sarcelles à trente mètres du coté des mâles Colverts. Il faut faire vite car le gibier tient peu avec le vent. Au coups de fusils les sarcelles se renvolent, le tir n’est pas évident.
Beaucoup de gibier survole la mare. La court-cri donne de nouveau ainsi que la petite sarcelle. Après quelques secondes on distingue deux canards dans les formes, ce sont des siffleurs. Il faut attendre qu ils se décalent car ils sont dans le même axe que les hybrides. Enfin, après quelques instants les siffleurs bougent. Au coup d’accord ils sont tués net.
Il est environ 5h30 et les canards continuent à passer. Plusieurs poses sont constatées mais le gibier se renvole très vite à cause du vent qui rend la pose inconfortable. Enfin deux sarcelles se présentent à une vingtaine de mètres entre la court-cri et la ligne de canes sur la droite. Autant dire que le tir est rapide. Les deux sarcelles restent étalées devant nous et se laissent pousser par le vent vers l’ autre bordure de la mare. Très peu de gibier pose en comparé à ce qu’on entend ; il est vrai que la mare n’est pas bien grande. Il y a de gros paquets qui passent et on commence à distinguer un peu mieux. Les appelants chantent beaucoup notamment la vieille long cri qui en bout de ligne, le cou dressé, lance des appels insistants. Deux pilets se posent à bonne distance derrière les mâles. Ils sont tués eux aussi, ce sont deux superbes mâles. Pour le moment on a six pièces et c’est plus que satisfaisant. La nuit se dissipe peu à peu et le spectacle de la migration s’offre à nos yeux ébahis. J’avais treize ans et c’était la première fois que j’assistais à un véritable mouvement migratoire. Rien qu’au travers des guichets on pouvait distinguer un nombre impressionnant de canards de toutes espèces se dirigeant vers le Sud. Le gibier posait peu mais l’intérêt n’était plus vraiment là. Quand la nature parade de cette façon on se tait et on admire. Il était presque huit heures et le gibier défilait. On se demandait si on allait encore avoir la chance d’une pose car le gibier volait désormais assez haut. Tout d’un coup par le guichet nord on aperçoit un volier d’une cinquantaine de canards à vingt mètres de haut, il passe sur la mare en travers lentement, les ailes cassées. Le volier s’éloigne un peu puis revient sur l’étang attiré par le chant des canes. L’excitation est à son comble : Et si tout ça posait ?!!!! Certains sauvages semblent tentés par la pose, mais c’est difficile de tromper la vigilance d’une cinquantaine de paires d’yeux très observateurs, d’autant plus qu’il fait jour. Malheureusement je devais être un peu trop près des guichets et peut être ai-je été vu, toujours est-il que le volier s’affole soudainement et accélère son vol. Une cane souchet décroche tout de même et se pose à peu de distance de la court-cri, attirée par l’irrésistible appelant qui n’en était pas à sa première victime. C’est alors que se manifeste un phénomène imprévu. Le mâle de la cane souchet pique en trombe vers sa femelle posée en émettant des appels désespérés pour qu’elle se renvole et échappe au danger qu’il avait su percevoir. Mais c’était trop tard, le pater décoche une cartouche et la pauvre cane à déjà la tête dans l’eau. On était presque gênés, ce coup de feu avait brisé l’harmonie du défilé. Les voliers qui passaient à vue prirent subitement de la hauteur, d’autres s’écartèrent brusquement d’un côté de l’autre, l’ espace d’un instant la parade devint cacophonique.
Il est temps de partir. Lorsque nous sortons du gabion le marais et la tourbière sont encore survolés par un nombre important de canards, certains à portée de tir. Mais le devoir de l’ami paysan qui nous accompagnait était plus important que la chasse. Il fallait qu’il rentre pour la traite des vaches. C’est avec regret que l’on quitta le marais…

Sept pièces c’était largement assez. L’expérience avait été forte. La journée de chasse au lièvre qui suivi me parut bien fade.
Aucune chasse n’égale celle du gibier d’eau. Ces nuits passées au milieu du marais sauvage, c’est un goût incomparable, inégalable. On en tremble. Vivement la chasse ! Vivement le marais !

euchlolo
02/08/2004, 06h20
que c'est beau !!! :D ont s'en souvient toute sa vie d'une migration!! :C merci aby pour ce recit :D vivement l'ouverture moi je tiens plus!!! :D

pnard 80
02/08/2004, 11h04
Oui ça c'est une belle histoire, dans quelle région se trouve ce marais ?

aby
02/08/2004, 11h19
ce marais ce situe dans la manche au milieu du cotentin

euchlolo
02/08/2004, 11h20
a oui encore un normand!!!! :D

aby
02/08/2004, 11h22
ouaih qu est ce que tu veux y pas que les picards qui chassent le gibier d eau chez nous aussi il y a des vrais dingues de canards

euchlolo
02/08/2004, 11h30
surtout que vous avez de beau coin la bas!!! :C :C pour y etre aller le 17!!!! :D oui chez vous le gars sont passionnés ya pas de doute la dessus :D

aby
02/08/2004, 11h33
je sais pas si tu as été a auvers eucholo mais la tourbiere se situe dans le prolongement du marais d auvers, vers baupte, les canards qui vont sur gorge passent d abord par auvers

*RM*Guéna
02/08/2004, 12h12
Salut Aby

Bien beau récit dis donc...
Je vois à peu près ton gabion, Gorges j'y fais la passe.
Sinon, on a emmené les Gras le 17 à Baupte au bord du Marais du Mesnil, devant l'ancien garage à Lancre, et on a parlé deux minutes de la tourbière et des chasses autour...
Tu t'en rappelles Euchlolo ou Alzheimer a fait des siennes?? :/ :)) :))

aby
02/08/2004, 12h29
salut Guéna
je suis plus retourné à Gorges depuis 1995. mon père à lépoque louait une nuit dans ce gabion.
Est ce qu il y a eu des gabions de construits autour depuis? on m a dit que le coté Baupte de la tourbière était en eau et coté Gorges à sec? est ce que c est vrai?

*RM*Guéna
02/08/2004, 12h43
Je ne connais pas bien les limites Aby...Je vais à la Conterie sur Gorges, et au PLessis, devant la Maison Brûlée aussi, mais je ne sais pas tout de ce côté, je connais plus Le Mesnil...
Les deux derniers hivers, ça a été des super passées là bas, surtout y'a deux ans...(beaucoups de pilets...)

euchlolo
02/08/2004, 13h01
oui je m'en souvient :D ce jour la ont etait tous a l'ecoute aupres d'un gars passionnés et qui en 2minutes a sur faire partager ca passion ses connaissances et l'envie terrible de venir chasser sur ces endroit magique!!ce gars la c'etait toi guéna ;)

MAS
26/09/2005, 22h04
clic

Le canardeur33
26/09/2005, 23h28
:C

aby
26/09/2005, 23h53
tiens donc, une vieille histoire dépoussiérée sortie des oubliettes virtuelles de la bibliothèque HV

r.o.m.a.i.n.8.0
27/09/2005, 00h31
je n était pas encore menbre de HV quand ce recit est parut mais lire ca avant de se coucher ca va me faire retourné dans tous les sens cette nuit
C est merveilleusement bien raconté et il n y a meme poas besoin de fermer les yeux pour y etre
Vive la HV et vive le GE

JJB
25/12/2005, 16h05
ABY, je découvre ton histoire, ce jour en fouillant dans les vieux posts que je craignais voir disparus. merci à Jérôme qui n'a pas écrasé la mémoire HV qui est riche en anecdotes, histoires de chasse, coups de gueule, réflexions sur notre passion et le GE.

Je suis bien content de relire certains posts dont cette histoire qui manifeste une certaine faculté d'expression écrite quej'avais déjà remarquée dans un poème à faire rougir Barbey d' Aurevilly.

Espérons que tu nous donneras un coup de main, ABY, lorsqu'il faudra synthétiser notre belle histoire de chasse au G.E ds les marais du Cotentiin qui sont uniques au niveau de l'ambiance authentique et sauvage.

Bien ton doc. A verser au patrimoine de l'historique et sans droits d'auteur :))

aby
25/12/2005, 20h21
salut vieux sage
merci pour ton commentaire, et bonne annee a toi.

a plus
alexis

aby
25/12/2005, 20h24
tiens d ailleurs il me semble que c est pas Gorge mais Gorges avec un S a la fin. En tout cas si tu as l ocase d aller par la JJB ca vaut le coup d aller jeter un coup d oeil surtout en hiver... :C

JJB
26/12/2005, 11h25
Bonne année à toi aussi, sale gosse! :))