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Depuis mars, les parquets de Laon et de Saint-Quentin ont ouvert des enquêtes pour « prise illégale d’intérêt », visant des élus locaux, à propos de certaines installations d’éoliennes dans l’Aisne. Un département fort concerné en Picardie, la deuxième région de France qui compte le plus d’implantations de ces mâts immenses, au milieu des champs et le long des autoroutes.
Dans son édition du mercredi 23 avril, le Canard enchaîné a révélé que pas moins de 21 élus locaux sont visés par cette procédure. « Il y a effectivement une multiplicité d’élus », a confirmé le procureur de la République de Saint-Quentin, Damien Savarzeix.
Les élus concernés sont bien entendu présumés innocents, tant qu’ils ne sont pas éventuellement condamnés devant le tribunal correctionnel. La gendarmerie est chargée de cette enquête. Le parquet de Laon a lui aussi confirmé l’existence de cette procédure qui vise des élus actuels ou anciens, qui ont pu être propriétaires de terrains où ont été érigés par le passé des éoliennes.
Dans un département rural comme l’Aisne, les maires, exploitants agricoles et propriétaires terriens, ont été longtemps légion. « Des élus qui ont pu être juges et parties », glisse Élisabeth Gautier, secrétaire générale de « stop éolien 02 », à l’origine de la procédure au sein d’un collectif de cinq associations différentes et de treize cosignataires. « D’autres dossiers sont en cours et les procureurs seront saisis en mai », annonce également Élisabeth Gautier. « J’ai aussi saisi en mon nom propre le parquet national financier. Un autre levier d’action est la possibilité de soulever dans certains cas la question de la complicité de
l’administration, quand elle valide des procédures contestables sur le plan légal », n’hésite pas à dire la représentante de « stop éolien 02 ». Selon un fichier de la Direction départementale des territoires du 20 avril dernier, 179 éoliennes pour 21 parcs sont installées ou en cours dans l’Aisne et 160 éoliennes pour 485 Mégawatts sont à l’instruction.
L’objectif des promoteurs serait de multiplier par trois le nombre d’éoliennes dans les cinq prochaines années. Mais après les récurrentes procédures administratives devant le tribunal d’Amiens qui retardent les procédures d’implantation, c’est donc une guerre de tranchées sur le plan pénal qui s’engage aussi en Picardie, sous les lourdes pâles. « Le collectif de l’Aisne nous montre la voie à suivre. Il faut qu’on fasse la même chose dans la Somme, milite ainsi Jean-Marie Desachy, retraité de Lamaronde à l’ouest d’Amiens (lire ci-contre). Dans notre département aussi, certains élus pourraient être concernés par des procédures de prise illégale d’intérêt ».
Consultations locales
Des associatifs de l’Aisne sont d’ailleurs attendus ce vendredi soir à la salle des fêtes de Herbécourt (Somme) pour évoquer les procédures, lors d’une réunion publique (à partir de 19 heures). « Moi, je rencontrerai les représentants anti-éolien reçus par la préfète de Région, laquelle n’a pas souhaité accueillir notre conseil municipal », confie de son côté France David, maire de Bayonvillers (Somme). Lors d’une consultation participative le 22 février dernier, 73 % de la population de Bayonvillers a voté contre le projet de quatre éoliennes sur son territoire.
« J’ai été intimidée par le promoteur et dernièrement il m’a demandé une attestation que je lui ai refusée, comme il considère que notre avis ne compte pas », raconte également France David.
Autre consultation locale, celle qui a lieu cette semaine dans le Vermandois à Attilly (Aisne). Les habitants (308 inscrits sur la liste électorale) votent pour ou contre un projet de six éoliennes.
De son côté, le promoteur appâte les habitants en leur proposant « un taux de 5 à 6 % de rémunération pour un investissement jusqu’à 1 000 euros ». À chacun sa stratégie dans ce combat de tranchées.