Association Nationale des Chasseurs de Gibier d’Eau
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NOTE TECHNIQUE SUR LA TRANSMISSION DES IMMATRICULATIONS DE HUTTES
Rapport entre huttes déclarées et huttes utilisées
La loi Chasse n° 2000-698 du 26 juillet 2000 a rendu obligatoire la déclaration des huttes de chasse existantes avant le 1er janvier 2000.
Cette déclaration s’est réalisée en 2 étapes :
• Une première déclaration des huttes en Préfecture avant le 1er janvier 2001 pour les 21 départements à chasse de nuit et les 6 départements pour lesquels la chasse de nuit était légalisée sur certains cantons par décret.
• Une seconde déclaration en 2003 pour les 27 départements à chasse de nuit, les 6 départements pour lesquels la chasse de nuit était précédemment légalisée par cantons rejoignant la liste où la chasse de nuit est légalisée dans tout le département (Loi n° 2003-698 du 30 juillet 2003 relative à la chasse).
15120 installations ont été immatriculées (Schricke et al, 2007).
Les différentes synthèses effectuées par la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) et l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) montrent qu’à peine un tiers de ces installations sont chassées.
Le nombre de huttes ayant rendu leur carnet de prélèvement mais n’ayant pas chassé est passé de 2694 en 2011/2012 à 3717 en 2013/2014.
Il faut rajouter à ces 3717 ceux qui n’ont pas retourné leur carnet de prélèvement, soit 15123-9767=5356. Le nombre de huttes déclarées mais non chassées est donc en 2012/2013 de 9073.
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Les conséquences de la perte d’immatriculation
De par le système de limitation du nombre de huttes, le nombre d’immatriculations s’est raréfié, et la valeur d’une immatriculation augmente de manière continue.
Un article du magazine « Experts Fonciers » (Christian de Monclin, n°4 mars 2015) évalue le montant d’une immatriculation de hutte en Picardie dans une fourchette de 50 000 € à 150 000 € de nos jours, contre 30 000 € à 100 000 € en 2010 en fonction du potentiel cynégétique.
La première conséquence est l’impossibilité pour des jeunes chasseurs ou des chasseurs peu fortunés d’accéder à l’achat d’une immatriculation en vue d’un transfert. L’acquisition de leur propre hutte, rêve de beaucoup de sauvaginiers, est désormais réservée aux chasseurs les plus riches (hors DPM).
La seconde conséquence est la cession de huttes avec numéros d’immatriculation par des propriétaires de petits marais qui se voient offrir par différents organismes (Conservatoire du littoral, Conseil départemental, …) des montants additionnels de 30 000 € par hutte cédée.
Les causes de la perte d’immatriculation
Quatre principales causes peuvent être avancées :
La préemption
Le droit de préemption sur les zones humides en faveur du Conservatoire du Littoral et des
Conseils départementaux dans le cadre de leur politique de protection des Espaces Naturels Sensibles (ENS) est une cause importante de perte de numéro d’immatriculation de huttes.
En supprimant des autorisations de chasse de nuit, ces organismes déprécient leurs achats et utilisent de l’argent public pour des mesures anti-chasse.
Un exemple très concret a été communiqué à l’ANCGE : en Normandie, un terrain de 5 ha de prairies humides abritant une hutte a été préempté et acheté 54 k€ par un Conseil Départemental dans le cadre de la protection des ENS.
En supprimant l’autorisation de chasse de nuit, la valeur des actifs est passée de 54 k€ à 24 k€, soit la valeur du seul terrain, la hutte étant abandonnée. De plus, le Conseil départemental devra assurer ou sous-traiter l’entretien du terrain qui était autrefois réalisé bénévolement par les chasseurs.
Il serait de bon sens qu’un organisme qui n’a pas dans son objet social la pratique de la chasse ne puisse pas acheter une immatriculation de hutte de la même manière qu’un quidam sans permis de port d’arme ne peut acheter une arme … Ceci nécessiterait un démembrement de la propriété entre foncier et cynégétique. Dans ce cas, l’immatriculation de la hutte pourrait être préemptée par la Fédération des Chasseurs qui la remettrait en circulation au profit du vendeur.
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Dans le cadre de l’information du public des politiques environnementales, il serait judicieux de connaître combien d’immatriculations de huttes ont déjà été supprimées par le Conservatoire du Littoral et les départements. L’ANCGE avait déjà demandé à la Directrice du Conservatoire, Odile Gauthier, la communication de cette information. Malgré son accord, nous attendons toujours cette information …
La création d’aires protégées
Les plans de gestion des réserves naturelles, les documents d’objectifs des sites Natura 2000 classés en Zones de Protection Spéciale ont de plus en plus tendance à considérer la pratique de la chasse de nuit comme dérangeante pour l’avifaune.
Des programmes d’étude comme AVIPER en Baie de Seine et en Vendée, montrent que cette hypothèse est erronée, mais des associations anti-chasse poussent à réduire le nombre d’installations de chasse de nuit dans ces zones.
Le cas de la Baie de Seine est emblématique. Avec une hypothèse empirique de 50% au maximum du territoire chassé, de nombreuses huttes pourraient disparaître. Des indemnisations sont proposées, bien que les huttes soient sises sur le domaine public maritime.
La Baie des Veys pourrait également être concernée dans la Manche. La politique de Trame Bleue/Trame Verte de l’ex-région Nord-Pas-de-Calais mettait en exergue la volonté de diminuer la pression de chasse des huttes dans les zones littorales de gagnage.
Le décès
En cas de décès du détenteur de l’immatriculation, le conjoint survivant n’est souvent pas informé de la valeur de l’immatriculation, et ne peut assurer l’entretien rendu obligatoire par la loi de la zone humide attenante (L.424-5 du Code de l’Environnement).
Parfois, le terrain retrouve une vocation agricole et l’immatriculation est perdue.
Parfois, la hutte est abandonnée et la trace de l’immatriculation perdue. Parfois, les héritiers ne veulent pas louer ou vendre l’installation.
Un dispositif à créer devrait permettre de confier à la Fédération des Chasseurs du département l’immatriculation de la hutte en cas d’inutilisation. Après la vente de l’immatriculation par la Fédération, la somme perçue serait versée aux héritiers.
Il appartiendrait aux notaires de proposer aux héritiers soit la cession de l’immatriculation à la Fédération des Chasseurs, soit l’exploitation de la hutte par les héritiers, soit la vente directe du numéro par les héritiers.
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Le changement de domanialité
Le réchauffement climatique va entraîner une remontée du niveau de la mer très sensible, supérieure à un minimum d’1 mètre en 2100.
La carte ci-dessous, compilée avec les données de la NASA, montre les régions qui seront affectées par un changement de domanialité, passant du domaine terrestre au domaine public maritime à la première délimitation.
Que deviendra alors l’immatriculation de la hutte dont la propriété reviendra au DPM ?
Un cas semblable est déjà en cours d’instruction dans la Somme sur les communes de Pendé et Lanchères ou 15 propriétaires privés de huttes de chasse sont menacés d’expropriation par l’Etat après une délimitation du domaine public maritime.
Les immatriculations de huttes privées étant majoritairement sur l’arrière-littoral, seront concernées par ce problème car les zones les plus concernées sont celles où se trouve une grande majorité des huttes (Pas-de-Calais, Flandres, Normandie, Charente-Maritime, Aquitaine, Arc méditerranéen).
Les questions au Conseil Supérieur du Notariat
1. Un numéro d’immatriculation de hutte est-il transmissible aux héritiers qui n’en supporteraient pas les obligations, c’est-à-dire l’entretien obligatoire de la zone humide attenante ?
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2. Serait-il possible de séparer immatriculation de hutte et bâti, et, en cas de refus des héritiers d’entretenir ou de faire entretenir la zone humide et d’exploiter la chasse à la hutte, de remettre cette immatriculation en vente à la fédération des chasseurs du département pour en toucher la contrepartie financière ?
3. Les Notaires peuvent-ils accéder au fichier des propriétaires de hutte déclarées pour les informer de la valeur de leurs immatriculations ?
4. Les Notaires peuvent-ils informer les héritiers de la valeur de l’immatriculation et des obligations qui en découlent, notamment l’entretien de la zone humide attenante ?
5. Les Notaires peuvent-ils estimer la valeur des huttes dans tous les départements ? Y a-t-il un moyen d’enrayer la spirale haussière ?
6. Est-il possible de démembrer une hutte (séparer l’immatriculation de la hutte / foncier) et proposer aux héritiers de mettre en vente l’immatriculation de la hutte par la FDC ?
7. Est-il légal qu’un organisme qui n’a pas pour vocation ni objet social l’exploitation de la chasse puisse acheter une immatriculation de chasse ? Est-il envisageable de l’interdire par une proposition de loi ?
8. Est-il possible de racheter une immatriculation au Conservatoire du Littoral ou au Conseil départemental après une préemption ?
9. Comment protéger son immatriculation contre la montée des eaux de mer (hormis par transfert) ?
10. en cas de divorce, la moitié de la valeur d'une immatriculation de hutte peut-elle être réclamée par le conjoint non-chasseur ou ne participant pas à l’entretien du marais ?
Les propositions pour enrayer la perte de numéros de huttes
Il existe des mesures simples à mettre en œuvre avec le cadre juridique actuel. Cela n’interdit pas de faire de nouvelles propositions de modification de la loi.
Pour les mesures qui pourraient être mises en œuvre le plus simplement :
• La création de Société Civile Immobilière pour empêcher la préemption du Conservatoire du Littoral ou du Conseil départemental lors du décès. Lorsqu’une menace existe, la propriété est alors divisée en un certain nombre de parts. Lorsqu’un détenteur décède, sa part est mise en vente et un autre acquéreur peut acheter cette part en évitant la préemption. Cette mesure a un coût et l’évolution de la loi sur la préemption pourrait la mettre en danger.
• L’information par les notaires des propriétaires ou héritiers de huttes sur la valeur estimée de leur immatriculation s’ils décident de la mettre en vente.
En ce qui concerne les dispositifs à créer par des modifications réglementaires :
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• les immatriculations des huttes se trouvant sur des terrains achetés par le Conservatoire du Littoral, le Conseil départemental, les communes, toute structure n'ayant pas dans son objet social l'exercice de la chasse ou toute personne individuelle dépourvue de permis de chasser doivent confier le numéro d'immatriculation de la hutte ou des huttes à la fédération des chasseurs du département, à charge à celle-ci de réaffecter cette immatriculation
• si des huttes se trouvant sur le domaine public maritime, y compris à l'intérieur des circonscriptions des ports autonomes, sont concernées par des projets de mise en réserve, attribution, affectation ou déclassement, ayant pour conséquence la suppression de la possibilité de chasser la nuit, les immatriculations des huttes doivent être confiées à l'Association de Chasse Maritime locale, à charge à celle-ci de réaffecter cette immatriculation, d'en assurer le transfert ou de se faire indemniser si le transfert s’avère impossible ou inéquitable.
Bruno Lancien
ANCGE