Biodiversité : un phénomène d'uniformisation des communautés d'oiseaux est enclenché
Si les espèces d'oiseaux spécialistes d'un habitat régressent continuellement, les espèces généralistes sont en croissance. Ce constat révèle un phénomène d'homogénéisation de la faune aviaire selon l'Observatoire de la biodiversité.
Biodiversité | 24 mai 2017 | Laurent RadissonActu-Environnement.com
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© mirkograul Alouette des champs
Les indicateurs en matière de biodiversité restent dans le rouge. Ainsi, la publication le 19 mai du bilan 2017 de l'état de la biodiversité en France par l'Observatoire national de la biodiversité (ONB) montre "une évolution inquiétante des espèces" et "une destruction des habitats naturels qui se poursuit". Ce bilan fait apparaître entre 1989 et 2015 une régression de 23% des populations d'oiseaux communs les plus sensibles aux dégradations des écosystèmes.
La publication le 20 mai du rapport de l'ONG BirdLife qui résume l'état de conservation de 541 espèces d'oiseaux dans 50 pays européens va dans le même sens. En 1994, la première évaluation complète de l'état de conservation de toutes les espèces d'oiseaux sauvages en Europe avait révélé que 38% d'entre elles étaient en état défavorable. Ce chiffre a grimpé à 43% dans la deuxième évaluation menée dix ans après. Les résultats de la troisième évaluation, en cours de validation, ne sont pas encore disponibles, indique Birdlife, mais "sans surprise, ils sont largement similaires aux deux premiers".
Toutefois, à y regarder de plus près, on s'aperçoit que toutes les espèces ne sont pas logées à la même enseigne. Concernant les espèces spécialistes d'un habitat, la situation est préoccupante, estime l'Observatoire de la biodiversité. "Les niveaux atteints actuellement sont bas, sensiblement inférieurs à ceux de 1989, et probablement très inférieurs à ceux des années 1970 si on se réfère aux tendances observées au niveau européen", précise l'observatoire, qui doit bientôt intégrer l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Ainsi, les populations d'Alouette des champs et de Linotte mélodieuse ont respectivement décliné de 30 et 72% entre 1969 et 2009.
En revanche, "les espèces généralistes présentent (…) des effectifs en nette hausse ces dix dernières années", constate ce dernier. On peut songer ici à des espèces communes comme le Pigeon ramier, un "généraliste qui profite des changements globaux" selon le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) ou la Corneille noire, très opportuniste, qui sait s'adapter aux activités humaines.
Diminution de la santé des écosystèmes
"Ces tendances, si elles se confirment, pourraient illustrer un phénomène d'homogénéisation de la faune aviaire, les communautés d'oiseaux s'uniformisant vers des compositions d'espèces peu spécialisées, présentes dans tous les milieux", explique l'observatoire, qui précise que les mêmes tendances sont observées en Europe.
Pourquoi une telle évolution ? "Un déclin de l'abondance des populations spécialistes est le signe d'une diminution de l'état de santé des écosystèmes", analyse l'observatoire. Ces espèces ont en effet des exigences écologiques plus strictes et une gamme de conditions environnementales plus étroites, ajoute-t-il. Ce déclin est "le reflet d'une perturbation des habitats, qualitative ou quantitative, concernant par exemple les ressources, le dérangement, ou la disponibilité en sites de nidification", conclut l'observatoire.
Rien d'étonnant à cette diminution lorsque l'on constate la poursuite de la destruction des habitats naturels. Quelques chiffres communiqués par l'observatoire sont à cet égard significatifs : 22% seulement des milieux naturels d'intérêt européen sont évalués en bon état de conservation, 50.000 hectares de prairies, pelouses et pâturages naturels ont été perdus entre 1990 et 2012.
"Un constat alarmant" pour la fédération d'associations naturalistes France Nature Environnement (FNE) qui demande au nouvel exécutif de multiplier les actions concrètes de protection de la biodiversité et de relancer la dynamique Natura 2000 à l'échelle européenne.