DOUPILOU
15/02/2007, 08h34
Cette histoire remonte au début du mois de novembre 1998, année où j'ai pu légalement porter le fusil.
Originaire des Deux-Sèvres, un ami décide de m'emmener pour la première fois découvrir son monde, "la Chasse à la Tonne", dans les environs de Marennes.
La nuit avant le jour J, inutile de vous indiquer que mes rêves ont été emplis de canards et oies en tout genre, moi qui ne connaissaient ces migrateurs que sur des images.
Le samedi venu, après un trajet bien long ponctué de nombreuses péripéties ( voiture embourbée sur près de 500 mètres), nous arrivons à l'installation.
C'est une petite tonne avec une mare en forme de mojette d'environ un hectare, bordée par de nombreuses roselières. Bref, une petite mare Charentaise ...!
Après avoir découvert les joies de la pique composée de simples et rustiques colverts et de nos 2 oies cendrées (Bérézina et Pirou), mon ami me fit découvrir la routine du sauvaginer (cahier, lunettes ...). Que de nouveauté pour un simple chasseur de plaine... !
Puis vint l'heure de la volée du soir.
Quelques sarcelles nous rendèrent visite mais mes yeux, peu habitués à l'obscurité, ne distinguèrent pas ces subtiles volatiles. Mais rien que le coup de chant des canes avaient éveillé en moi, plus qu'un émerveillement.
Vers 19 heures, mon collègue m'annonça que nous irions souper chez le Grand-père qui s'occupait de l'installation à environ 2 kms de la tonne. Le tout à pied, histoire de ne pas déranger les autres tonnayres appliqués à scruter l'horizon.
A ma colère s'ajoutait une grande frustation. M'enlever pendant quelques heures, le temps d'un repas, ce dont j'avais toujours rêver : partager les rêves les plus fous des sauvaginiers.
Pourtant, je n'eus jamais à regretter ce dîner.
Je découvris un authentique personnage, le père Barbu, un ancien marin-pêcheur.
Le repas fut gargantuesque ponctuée de récits de tonne des plus endiablées, des nuits passées sur les vases, des malheurs dûs à cette satanée Mer ... bref le récit d'une vie. Celui-ci nous confia ne jamais avoir prelevé d'Oies et ça le faisait sourire puisque selon lui, elles le fuyaient depuis plus de 60 ans.
Au moment de congédier notre hôte, celui-ci partit tout un moment pour me ramener son vieux Robust et sa lunette. Rouillé par les embruns de la mer, ce fusil représentait bien plus qu'une arme, mais le début d'une très grande amitié.
Le retour à la tonne fut rapide et plein d'espoir, le fusil sur l'épaule fier comme Artaban ... !
Dès les premières minutes de veille, la magie s'opéra.
Au chant presque silencieux des mâles répondaient les canes de leurs appels graves et mélodieux rimant avec tous les autres bruits du Marais.
Puis vint l'heure où la Vieille Cane se mit à chanter de son chant court mais tellement précieux. C'était la première pose. Après identification de notre visiteur ailé, je fus chargé d'exercer la sentence. Le Robust rompit le silence et quelques minutes après, j'ai pu comtempler mon premier canet : un mâle de colvert.
J'aime toujours ce moment où on caresse le gibier que l'on vient de prélever, où on l'accroche délicatement car c'est le Gibier par excellence, le Gibier d'Eau, et on lui doit tout le respect possible.
Vers 3 heures du matin, un vacarme époustouflant sur la mare. Bérézina, le jard de cendrée se met à hurler pendant quelques minutes. Celui-ci reprend après une minute de silence. Pirou, sa femelle, s'égosille elle avec.
Miracle de St Hubert, j'entends des oies. Tous nos appelants ne font qu'une voix puis j'entends un vrai bruit d'aile. Plus aucun bruit sur la mare sauf notre petite Pirou avec ses kokkok .... kokkok ... !
Pas la peine de réveiller mon collègue, il a assisté lui aussi à cette scène qu'aucun théatre humain ne peut retranscrire. Seul de vrais Chasseurs et Ecrivains peuvent nous faire transpirer leurs émotions, n'est-ce pas Mrs Rocher et Dupeyron ...!
Bref, nos cendrées sont à quelques dizaines de mètres et collées à notre femelle d'oies.
Celles-ci s'écartent doucement. C'est le moment de faire feu.
Je saisis le Robust du père Barbu. Impossible de mettre le U sur une oie, le canon de la pétoire touchant le haut et le bas du créneau tellement je tremblais. Je finis pas prendre une des 4 oies tout comme mon compère.
Après le décompte, nos 2 coups de fusil ne firent qu'un rompant le charme et le silence. Un rapide coup d'oeil nous assura les 2 formes inertes à la surface de l'eau..
A nos cris se mêlèrent nos pleurs puisque c'était les premières oies à se poser sur notre marotte. Ma seule réaction, quelques secondes après, fut d'entamer un sprint retentissant avec une oie dans chaque main jusque la maison du petit vieux. Carl Lewis en aurait pâli, vu la vitesse avec laquelle j'ai parcouru cette distance.
Je revois encore la tête du Père Barbu réveillé par mes coups sourds à la porte.
Je n'ai eu droit qu'à une vraie poignée de main et il m'a confié pendant ces quelques minutes, que ses Oies, il les avait même si c'est pas lui qui avait éxécuté le tir. Ce fut un grand moment ...! Juste avant de partir, il les souleva chacune dans une main et il me dit : "Je les ai eu. Merci St Hubert !"
Le reste de la nuit fut ponctuée par un coup de note de la Vieille Cane et par un couveau coup du Robust. Une jolie cane de Miaulard (Siffleur) vint rejoindre notre tableau de Chasse.
Ce jour-là, j'ai découvert plus qu'une Passion, j'ai eu l'impression d'effectuer le commencement de ma vie, avec la chasse à la Tonne.
Papy nous a quitté il y a quelques années, mais ne serait-ce que voir un voilier d'oies dans le ciel me ramène à de longs et bons souvenirs !
Depuis cette nuit, les Oies m'ont toujours fuit, allez savoir pourquoi ...!
Doupi
Originaire des Deux-Sèvres, un ami décide de m'emmener pour la première fois découvrir son monde, "la Chasse à la Tonne", dans les environs de Marennes.
La nuit avant le jour J, inutile de vous indiquer que mes rêves ont été emplis de canards et oies en tout genre, moi qui ne connaissaient ces migrateurs que sur des images.
Le samedi venu, après un trajet bien long ponctué de nombreuses péripéties ( voiture embourbée sur près de 500 mètres), nous arrivons à l'installation.
C'est une petite tonne avec une mare en forme de mojette d'environ un hectare, bordée par de nombreuses roselières. Bref, une petite mare Charentaise ...!
Après avoir découvert les joies de la pique composée de simples et rustiques colverts et de nos 2 oies cendrées (Bérézina et Pirou), mon ami me fit découvrir la routine du sauvaginer (cahier, lunettes ...). Que de nouveauté pour un simple chasseur de plaine... !
Puis vint l'heure de la volée du soir.
Quelques sarcelles nous rendèrent visite mais mes yeux, peu habitués à l'obscurité, ne distinguèrent pas ces subtiles volatiles. Mais rien que le coup de chant des canes avaient éveillé en moi, plus qu'un émerveillement.
Vers 19 heures, mon collègue m'annonça que nous irions souper chez le Grand-père qui s'occupait de l'installation à environ 2 kms de la tonne. Le tout à pied, histoire de ne pas déranger les autres tonnayres appliqués à scruter l'horizon.
A ma colère s'ajoutait une grande frustation. M'enlever pendant quelques heures, le temps d'un repas, ce dont j'avais toujours rêver : partager les rêves les plus fous des sauvaginiers.
Pourtant, je n'eus jamais à regretter ce dîner.
Je découvris un authentique personnage, le père Barbu, un ancien marin-pêcheur.
Le repas fut gargantuesque ponctuée de récits de tonne des plus endiablées, des nuits passées sur les vases, des malheurs dûs à cette satanée Mer ... bref le récit d'une vie. Celui-ci nous confia ne jamais avoir prelevé d'Oies et ça le faisait sourire puisque selon lui, elles le fuyaient depuis plus de 60 ans.
Au moment de congédier notre hôte, celui-ci partit tout un moment pour me ramener son vieux Robust et sa lunette. Rouillé par les embruns de la mer, ce fusil représentait bien plus qu'une arme, mais le début d'une très grande amitié.
Le retour à la tonne fut rapide et plein d'espoir, le fusil sur l'épaule fier comme Artaban ... !
Dès les premières minutes de veille, la magie s'opéra.
Au chant presque silencieux des mâles répondaient les canes de leurs appels graves et mélodieux rimant avec tous les autres bruits du Marais.
Puis vint l'heure où la Vieille Cane se mit à chanter de son chant court mais tellement précieux. C'était la première pose. Après identification de notre visiteur ailé, je fus chargé d'exercer la sentence. Le Robust rompit le silence et quelques minutes après, j'ai pu comtempler mon premier canet : un mâle de colvert.
J'aime toujours ce moment où on caresse le gibier que l'on vient de prélever, où on l'accroche délicatement car c'est le Gibier par excellence, le Gibier d'Eau, et on lui doit tout le respect possible.
Vers 3 heures du matin, un vacarme époustouflant sur la mare. Bérézina, le jard de cendrée se met à hurler pendant quelques minutes. Celui-ci reprend après une minute de silence. Pirou, sa femelle, s'égosille elle avec.
Miracle de St Hubert, j'entends des oies. Tous nos appelants ne font qu'une voix puis j'entends un vrai bruit d'aile. Plus aucun bruit sur la mare sauf notre petite Pirou avec ses kokkok .... kokkok ... !
Pas la peine de réveiller mon collègue, il a assisté lui aussi à cette scène qu'aucun théatre humain ne peut retranscrire. Seul de vrais Chasseurs et Ecrivains peuvent nous faire transpirer leurs émotions, n'est-ce pas Mrs Rocher et Dupeyron ...!
Bref, nos cendrées sont à quelques dizaines de mètres et collées à notre femelle d'oies.
Celles-ci s'écartent doucement. C'est le moment de faire feu.
Je saisis le Robust du père Barbu. Impossible de mettre le U sur une oie, le canon de la pétoire touchant le haut et le bas du créneau tellement je tremblais. Je finis pas prendre une des 4 oies tout comme mon compère.
Après le décompte, nos 2 coups de fusil ne firent qu'un rompant le charme et le silence. Un rapide coup d'oeil nous assura les 2 formes inertes à la surface de l'eau..
A nos cris se mêlèrent nos pleurs puisque c'était les premières oies à se poser sur notre marotte. Ma seule réaction, quelques secondes après, fut d'entamer un sprint retentissant avec une oie dans chaque main jusque la maison du petit vieux. Carl Lewis en aurait pâli, vu la vitesse avec laquelle j'ai parcouru cette distance.
Je revois encore la tête du Père Barbu réveillé par mes coups sourds à la porte.
Je n'ai eu droit qu'à une vraie poignée de main et il m'a confié pendant ces quelques minutes, que ses Oies, il les avait même si c'est pas lui qui avait éxécuté le tir. Ce fut un grand moment ...! Juste avant de partir, il les souleva chacune dans une main et il me dit : "Je les ai eu. Merci St Hubert !"
Le reste de la nuit fut ponctuée par un coup de note de la Vieille Cane et par un couveau coup du Robust. Une jolie cane de Miaulard (Siffleur) vint rejoindre notre tableau de Chasse.
Ce jour-là, j'ai découvert plus qu'une Passion, j'ai eu l'impression d'effectuer le commencement de ma vie, avec la chasse à la Tonne.
Papy nous a quitté il y a quelques années, mais ne serait-ce que voir un voilier d'oies dans le ciel me ramène à de longs et bons souvenirs !
Depuis cette nuit, les Oies m'ont toujours fuit, allez savoir pourquoi ...!
Doupi