Les moissons de fin de saison...
Les moissons de fin de saison …
Lundi 21 janvier, 16h00, je suis encore au TAF. Il y a de la neige depuis plusieurs jours et dimanche il en est encore tombé +/- 10 cms mais cette fois aussi sur les pays bas : elles vont bien finir par bouger ces putains de rieuses !
Je bosse encore tout l’après midi mais c’est trop tentant là … Demain matin pareil, si j’y vais j’arrive au noir et repars au noir … V’là le bordel quoi : pourquoi je ne suis pas touriste ou huttier professionnel ? Ou mon propre patron pour pouvoir y aller quand je veux …
Au moins j’ai pas les soucis, c’est déjà ça …
Bon ! Elle annonce quoi la météo pour ce soir ? Vent SSE faible, ciel couvert, plus de neige … un coup d’œil à Windguru, même chose, c’est bon j’y vais.
Un e mail à ma chérie blonde pour la prévenir pour ce soir, une négo avec le boss pour gagner une heure et j’y go. Elle se doutait me dit-elle que je ne tiendrais pas jusque samedi !
Vache il fait noir depuis un moment quand j’entre dans les parcs : je chope un CC, mon meilleur couple de siffleurs et mes oies ! Pas besoin de la remorque je balance tout le monde dans les caisses à l’arrière du 4*4… Un bisou à ma charmante épouse et c’est parti !
Punaise, je suis même pas sorti de l’allée que l’un de mes vieux jars se met à taper dans la caisse !!! Ce con là je l’ai pas mis dans la même caisse que sa femelle il est débile et la rappelle déjà !
Il ferait mieux de faire pareil dans sa cage ce con là au lieu de roupiller … En même temps il a + de 20 ans et commence à avoir de l’arthrose et se couche tout le temps dans les parcs : comme les petits vieux, il va vite fait jusqu’à la bouffe et il est fatigué alors doit se reposer lol ! Il décline le pauvre à la hutte depuis 2-3 ans, je continue à l’emmener mais il n’est plus aussi vaillant et les jeunes jars de 15ans son ainé le surpasse largement en termes de TAF parmi l’attelage.
La vache sors de l’autoroute après 12-13 mn de trajet et les départementales sont encore salement enneigées : je bascule sur les 2 ponts du 4*4 et Go pour les kilomètres restants jusqu’à la hutte !
Je vais me faire une petite nuit en solitaire bien sympatoche à zonzons ! Le pater a bletté à berge dans la neige et mis le lot de cendrées en parc cet après midi en prévision de ma nuit !
Malgré la neige et la glace sur la route j’arrive sans encombre à la hutte et c’est dans 15 à20 cms de neige que j’avance dans la pature jusqu’à la barrière ! Il fait clair, j’aperçois les formes d’oies à 40 m à gauche sur la neige en passant la tête au-dessus du toit de la hutte. Je vois aussi les oies se ballader dans le parc et mes 2 cendrées volantes qui ont dû sortir du parc elles et sont dans la zone de pose au milieu des blettes … C’est bien pratique la haie pour approcher sans être vu ! ça donne pas le camouflage butte de gazon façon Baie de seine mais cela a des avantages tout de même.
Bon les oies dehors ce n’est pas grave, j’ai l’habitude et elles ne volent pas la nuit de toute façon, elles se tiennent avec les autres.
Je peine à trouver la bonne clé pour ouvrir la porte sans allumer la frontale. Je finis par y arriver, je pose le fusil et le sac sur le lit, referme la porte et allume la lumière.
Bon sang que ça du bien, une bonne nuit de hutte en semaine, rien de tel pour faire une coupure !
Je sors les jumelles de leur étui, referme la lumière et ouvre un créneau tout doucement. Rien devant la hutte, le pater a fait du bon boulot, un glou devant les créneaux de 20*20, je vais pouvoir mettre quelques oiseaux à l’eau !
Je mate les deux oies dans la neige entre les deux paquets de blettes, elles fouillent la neige et la boive même par moment. Tout est calme, la neige au sol étouffe les sons on dirait. Elles ont un de ces cous ces deux oies ! ce ne sont pas des rieuses, gros gabarit, ça pourrait être des moissons à la limite mais ce sont les cendrées.
Bon, refermage de créneaux, frontale, les gants et Go attelage !
Je chope les deux premières oies dans la caisse et direction les cages au milieu du blettage à berge : j’emjambe le grillage et « putain les connes ! » Les deux cendrées s’envolent surprises de me voir arriver dans les blettes au milieu de la nuit sans prévenir (il est 20h30 lol).
Et là soudain le doute m’habite (ça vous rappele rien lol) : je tourne la tête et compte mes cendrées dans le parc dans la neige.
Oh putain elles sont toutes là ! J’en reste figé sur place …
Merde c’était des sauvages. Pas un mot à l’envol, et au vu de la silhouette que j’observais tout à l’heure aux jumelles ça pourrait bien être des moissons …
Un bruissement d’aile puissant me fait lever la tête, les voilà, elles reviennent. Je suis au milieu de la neige, droit comme un I et elles me passent à une bonne trentaine de mètres, toujours sans un mot…
La vache, si ça tombe c’était des moissons.
Pas la peine de se lamenter des heures, j’ai merdé. Je pose mes deux oies dans leur cage et file chercher les autres.
Mince revoilà les deux bétails : elles filent vers le sud et il me semble les voir casser des ailes au loin dans la plaine quand je les perds de vue dans la nuit …
Je fini mon attelage en mettant mes 3 canards à l’eau avec deux petites femelles de rieuses à l’eau. Je met quelques cages avec 5-6 chanteuses loin au nord et rentre dans la hutte. J’appele ma chérie : » c’est bon je suis attelé, pas de problème sur la route et j’ai déjà vu deux oies …. »
Elle le souhaite une bonne nuit, je mange vite fait un casse dalle et me fout aux créneaux. J’appele mon pote Tanguy qui habite près du marais et lui explique ma déconvenue. On discute le bout de gras depuis plusieurs minutes tout en finissant de manger aux créneaux et il me dit que ça tire au marais depuis plusieurs jours et que ce soir ça tire encore un peu. Il est +/- 22h et je suis toujours en ligne avec lui quand je vois passer en fond de mare venant du Sud deux énormes bétails « putain, je te laisse, c’est les deux oies, les r’vlà ! »
Et bim je lui raccroche quasi au nez ! J’ai pas le temps de dire Ouf que toutes mes oies se mettent en route et je vois les deux oies crocheter direct au dessus de la hutte. J’entends les bruits d’ailes pile au dessus de moi . Elles refont un tour, elles viennent prendre le vent derrière la hutte et repassent au dessus de moi à nouveau. Mes oies accrochent comme des dingues, les jars hurlent et les deux femelles se couchent sur leur plateau devant moi en relançant leur appel de pose.
Les voilà qui prennent à gauche, vache, elles baissent : posées !
Oh punaise : les deux sont posées dans le blettage sur pied, pile dans la zone de pose à 40 m sur la gauche dans la neige. Je prends les jumelles : ce sont bien les silhouettes de tout à l’heure. Pas sûr que ce soit des cendrées effectivement…
Par contre elles sont à deux mètres l’une de l’autre et dans 20 cms de neige elles n’ont pas l’air de vouloir se déplacer et grouper ! J’attends une minute , deux, trois, elles ne bougent pas d’un centimètre …. Je me décide : j’enlève la lunette et vais tenter le coup au posé et à l’envol.
J’ai déjà changé mes cartouches passe le fusil par le créneau central. Je prends celle de gauche et lache mon coup de fusil un peu haut : Braoum !!!!!
Celle de droite décolle et me passe plein travers de mare à 30 m, je la prends, l’ajuste, queue, tête , PAN !!!!! Elle boule comme une perdrix en battue, fauchée par la gerbe de 1 en Tungsten et tombe dans bruit de glace brisée pile en face des créneaux.
Je regarde la 1 ere, elle se secoue un peu dans la neige et semble vouloir se redresser : je ne cherche pas à comprendre et lache ma 3 eme douille, ce qui la calme définitivement.
Je pose le fusil sur le lit. Je me jette sur mes bottes, frontale, et pars en courant dans les blettes au sol.
J’arrive sur mon oie dans la neige, la vache, le morceau ! Un coup de lampe : OUUUUUIIIIIIIIIIIIIII, une moisson !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je suis fou, je danse dans la neige au milieu des blettes : « yes, des moissons !!!!!! »
Je tourne la tête, l’autre est morte et a fracassé la glace dans sa chute. Putain elle est à 10m du bord du glou, je suis pas dans la merde …
Pas question de marcher sur la glace en pleine nuit avec deux mètres de fond au milieu de la mare ! Je file à la hutte pose la moisson, enfile les waders et saute dans la petite barque en plastique : je me suis équipé d’une beche et il me faut bien 10 minutes pour faire les 10 mètres que je casse morceau après morceau. Il y a bien 3-4 cms et elle cède difficilement. Un coup de frontale et je contemple dans le fond de la barque la 2 eme moisson, surement un jar, encore plus grosse que l’autre…
Je les rentre dans la hutte et ne résiste pas au plaisir de rappeler Tanguy : «c’est bon c’était des moissons tout à l’heure, deux sur deux ! »
Je suis surexcité, c’est la première fois que j’en fais de nuit dans cette hutte : des fabalis, la plus grosse des variétés de moissons. Les pattes sont oranges vifs et les becs puissants noirs et oranges. Le plumage est gris savamment teinté de gris foncé et brun. Quels magnifiques oiseaux !
Dérangés par la neige en Belgique ou Hollande sans doute, elles étaient peut être là plusieurs heures avant moi et j’ai eu la chance qu’elles reviennent voir mes oies … Sans doute étaient-elles dans la plaine et elles entendaient leurs congénères qui se rappelaient en cage !
Nous échangeons encore un long moment avec mon vieux pote de hutte au téléphone et je ne peux résister au plaisir de me dire que ma nuit est faite : parcourir des kms de nuit dans la neige, atteler dans le froid, la glace, la neige. Saint Hubert est parfois bon avec ses disciples courageux !
Qu’ils viennent me dire la chasse à la hutte c’est une chasse de faignants, je les enverrai faire le glou toute l’après midi et déneiger les blettes à minuit on en reparlera !!!
Je crois qu’en milieu de nuit j’ai dormi du sommeil du juste, je ne vois pas ce qui aurait pû m’arriver de mieux… réveillé vers 04h30 j’ai veillé un peu jusque 05h30 et je me résous à dételer, je dois être au Taf vers 09h en repassant à la maison déposer les oiseaux …
J’ai remis déjà toutes les oies dans la voiture, ne me reste que la caisse des canards derrière la hutte et prendre les affaires dans la cabane. Je rêve ou j’entends le sifflement des ailes de BP ?
Je lève la tête juste à temps pour voir plonger dans le clair deux becs plats qui viennent de me passer dessus. Je rentre vite fait, me met aux créneaux : un beau couple de colverts. Monsieur et madame se font la gueule et ne se tiennent pas ensemble lol !
Mon fusil est passé par les créneaux, j’ai le male dans le U, la cane est sur la glace à 5 mètres de lui ! Je reste comme ça plusieurs minutes et finalement puisqu’ils ne se décident pas et bien moi non plus !
J’enlève mes cartouches, démonte la lunette et range le fusil : les colverts, vous êtres graciés, vous pouvez remercier les moissons !
Je referme les créneaux, il est l’heure je dois filer et mon cahier de hutte pour cette nuit là mentionne 22h00 pose deux moissons, 2/2 et 06h00 pose un couple de colverts, non tirés…