Seine-et-Marne
Le projet controversé de La Bassée
Dans le numéro d’avril 2006 (n°84) “Liaison” a présenté le projet d'aménagement de la Bassée en “réservoir” temporaire. Les avis peuvent désormais s’exprimer. Celui-ci est critique.
La Bassée est un tronçon inondable de la vallée de la Seine à l'amont de Montereau, de 20 kilomètres de long et couvrant 16.000 hectares de plaine alluviale. Elle a longtemps joué un rôle important dans l'expansion des crues et la régulation des étiages. Au XIXème siècle, c'était une vaste prairie dont le foin alimentait la cavalerie parisienne. Elle était régulièrement inondée et formait une magnifique frayère à brochets. A partir de 1960, la situation change : la moitié de la Bassée est exploitée en gravières dont le réaménagement laisse à désirer. De plus, la mise au grand gabarit de la Seine pour la navigation supprime les relations entre le fleuve et la zone humide. Résultat : le rôle d'écrêteur de crue de la Bassée est neutralisé. Hormis moins de 9% de la superficie de la Bassée francilienne classée en réserve naturelle nationale en 2002, les projets de préservation n'aboutissent pas. On a laissé se dégrader la plus importante et la plus riche zone humide d'Ile-de-France.
Les risques d'inondations en Ile-de-France
Tout le monde a en tête les images de Paris inondé par la crue de 1910, dite centenaire. Or nous sommes en 2006. Si elle revenait ? Sont concernés 900.000 franciliens, 170.000 entreprises, de nombreux centres de décision... Cela représenterait environ
4 milliards d'euros de dommages, d'où la nécessité d'une politique de prévention.
Celle-ci a été mal appliquée : les services de l'Etat et les municipalités ont continué à construire dans des zones inondables, à bétonner ou remonter les berges de la Seine ou de la Marne, à artificialiser les rivières. Bref, l'inondation type 1910 peut non seulement revenir, mais elle serait beaucoup plus grave, malgré les plans de prévention dont s’est dotée la région.
Les 4 grands lacs réservoirs de la Seine, qui ont un rôle à la fois de soutien d'étiage mais aussi d'écrêtement des crues, ne sont pas suffisants : ils ne contrôlent que 17 % du bassin versant de l'amont. Alors que faire ?
C'est la faute de l'Yonne
Les grandes inondations (19l0, 1924, 1955, 1982) proviennent de la conjonction des crues de la Seine et de son affluent, l'Yonne. D'où l'idée de déconnecter les deux flux, de les décaler dans le temps. On retient l'eau de la Seine en la pompant dans des bassins de stockage, ou "casiers" délimités par des talus-digues, à la Bassée, entre Braye et Montereau. Et pendant ce temps on laisse passer la crue de l’Yonne.
Le flot de l'Yonne passé, on re-pompe dans les "casiers" pour rendre l'eau à la Seine.
C'est un projet quasi pharaonique : 2.300 hectares environ, 50 km de digues, aménagement des bassins, stockage de 55 millions de M3 d'eau, système d'écoulement... Au bas mot, cela représente aujourd'hui 4,38 milliards d'euros. Les premières estimations étaient de 1,5 milliards. Le but étant de diminuer la crue au pont d'Austerlitz de 10 à 20 cm !
C'est - parait-il - faisable du point de vue hydraulique, l'ouvrage ne serait utilisé en moyenne que tous les 5 ou 6 ans pendant à peu près 2 semaines.
Il ne s'agit donc pas de réhabilitation de la zone humide. A moins d'y joindre un autre projet de gestion de la zone humide avec une inondation "écologique", annuelle pour faire revivre les noues c’est-à-dire les petits canaux de drainage.
Mais pour que le système de stockage soit efficace, il faut un délai de mise en oeuvre de quatre jours. Or, le service de navigation de la Seine semble douter de pouvoir annoncer la crue de l'Yonne dans un délai de plus de 2 jours.
L'Association Seine-et-Marnaise pour la Sauvegarde de la Nature (ASMSN), est opposée à ce projet. Celui-ci a été examiné par la Commission des milieux naturels aquatiques (COMINA) Seine-Normandie où les réactions ont été, dans l'ensemble, défavorables. C'est dans ce contexte que le projet a pour ambition d'être inscrit au Schéma directeur d'Ile-de-France, et au Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux.