Vers le 20 novembre je balance un mail à V et lui demande si ça le tente un coup à oies fin du mois ?
Aucune idée des vents si longtemps à l’avance mais Lune montante fin novembre c’est rarement pourri alors pourquoi pas tenter une zonzon party ??!!!
V est partant et S aussi. L’équipe habituelle est là , nous serons donc 3 + 2 , la hutte est pas bien grande mais exceptionnellement on peut y tenir à 5, la mare est à raz bord, bien remplie par les dernières pluies mais reste de taille modeste ( +/- 7000 m² ), aussi tenter un coup à oies demande une stratégie à part…D’autant que les voisins sont tout proches et eux ont de belles mares, presque 4 ha pour la plus grande !
On bénéficie de leur présence pour attirer les vols de loin mais pour la pose, il n’est pas rare de se faire avoir par la nappe d’eau qui est derrière et d’entendre tirer en ayant eu l’appel juste avant !
Qu’importe ! Nous partons à oies et le reste ne compte pas. S me rejoint à la maison et nous partons les 2 voitures remplies de nos oies vivantes et de nos blettes flottantes et sur pattes, histoire de pas faire semblant et de pas chasser l’oie avec des blettes de sarcelles…
On arrive à la hutte vers 15h00 et nous jetons dans la mare rapidement : nous virons toutes les blettes de canard en place et plaçons les blettes d’oies et les plateaux pour nos oies. V arrive au bout de quelques minutes suivi de P et bien que nous ayant laissé carte blanche nous le devinons un peu dubitatif car nous avons proprement viré toutes les blettes de canards !!!
Je le rassure en déclarant qu’on va en mettre quelques unes à gauche à l’abri du vent : le vent souffle de SSE et de sérieuses vagues se forment en face à berge, le début de semaine n’a pas été trop mauvais, quelques canards ont été tirés lundi et hier, le merdi c’est comme d’hab , la misère…
Nous mettons quelques oies à plateaux devant et à droite en choisissant de mettre les cendrées les plus bavardes loin à droite en cage, elles nous serviront de chanteuses ! ben oui quoi des cendrées ça chante aussi …
Le soleil est couché ou presque L nous a rejoint . V m’apostrophe un peu décontenancé par tant de blettes d’oies et de mémères dans la mare : « euh … je met ou mes sauvages ? »
Et là ben je suis bien obligé d’admettre que la mare est imposante : des blettes d’oies là, des blettes d’oies ici, des oies là , des oies là bas , des blettes d’oies sur pied par là et encore par là….
« Ben si tu veux tu met tes canes de Sh là et ton siffleur là bas » ( … ) et c’est parti, V met une petite dizaine de coincs discrets dans la mare très prêt de la hutte et une vingtaine de blettes de coincs à gauche à l’abri pour pas géner la pose ! je suis un peu gêné d’imposer ma façon de faire à V qui m’a invité mais quand on me dit « oies », je vis oie, je pense oie, je vois comme une oie ( enfin presque lol ) !!!
On met les cages en face vers le Nord et la nuit est déjà avec nous…
Nous rentrons dans la hutte et à 5 c’est un peu chaud, chacun range ses affaires, les lunettes sont montées et nous décidons de verser un apéro pour se réchauffer un peu, S et moi sommes à fond dedans avec les zonzons et les histoires de chasse vont bon train. V sors et au moment ou il pose en rentrant le pied au bas de l’escalier il étouffe un juron qui se mêle au bruit de verre brisé : une honorable bouteille de rouge vient de passer de vie à trépas et se répand lamentablement sur le carrelage de la hutte !!! « P pourquoi t’as posé cette bouteille là ??? »
Oups le P il en prend pour son grade et ce zouave de S qui me regarde cramoisi me fait « esponge jaquouille !!!! » j’ai cru que j’allai me faire dessus et essuyait discrètement des larmes de rire …
Le vent se renforce et on doit avoir du SSE 4 à 5 je pense maintenant , c’est calme apparement en ce début de nuit. Une fois le repas avalé, S et moi nous mettons à veiller un peu et je m’écroule. Minuit S me réveille , il a rien vu et je suis pas bien réveillé, je me met aux créneaux et ma tête heurte la tablette ayant encore du mal à me tenir éveillé !!!!!!! En fait j’entend un male de sarcelles et redresse la tête, ça fait 2 minutes que je suis aux créneaux et j’ai 2 sarcelles posées à 25 m devant
Je secoue la jambe de S et nous tirons au commandement, je ne verrai plus rien pendant mon tour mais L a lui une pose de 2 sarcelles loin à gauche à l’abri : une seule repartira. P aura lui aussi une sarcelle posée dans son tour.
A 04h45 je suis à demi réveillé par une attaque d’enfer de nos oies et une agitation symptomatique dans la salle de tir, S débarque dans la cuisine et nous réveille : « y a des zonzons !!!! »
On arrive aux créneaux et c’est la pagaille, on se bouscule, des moissons sont posées en face à 30 m !!!! Elles sont renvolées, je me penche aux créneaux et là je vois un paquet d’oies à moins de 2 m de haut luttant contre le vent au dessus de la mare.
Elles remontent le vent en une grande ligne ondulante et peinent à avancer, la tentation de les tirer au vol est grande dans ces moments mais l’émotion est énorme.
Nous sommes tous les 5 aux créneaux et la bande glissent vers la gauche de la mare en oscillant au dessus des vagues.
Bon sang ça repose, j’en distingue quelques’unes qui reposent à gauche à l’abri, 4/5 , 7/8 peut être plus…
Et ça s’envole aussi vite, c’est un beau paquet de moissons, elles chantent énormément, nos appelants sont déchainés, le couple de V est exceptionnel à l’attache, les miennes se défendent pas mal non plus mais j’ai l’impression de n’entendre que celles de V.
Le moment est énorme : toute la bande remonte en face vent dans le dos maintenant, elles repartent vers le Nord ! je les ai dans mes jumelles , elles sont au moins à 3 ou 400 mètres ! Elles reviennent, mon jar de cendré placé au nord hurle dans sa cage, le 2 eme prend le relais et c’est reparti la mare se déchaine, les 24 moissons ( on a eu le temps de les compter quand elles ramaient contre le vent ) repassent en travers à moins de 30 m et 2 ou 3 m de haut !!!!!
C’est dingue, pourquoi elles posent pas ? Elles sont scotchées autour de la mare mais veulent pas poser !!!!!! Enfin « reposer » parce qu’on les avait à 30 m à tout casser , toutes en paquet…24 moissons sur notre petite mare !!!
C’est fini, elles ont glissé vers le Sud et on ne les entend plus, Pan, pan, on entend tirer au loin et le doute nous vient : « elles ont été tirées au vol ? » Nous sommes déçus mais ces images étaient extraordinaire, la bande chantaient énormément, nos appelants ont été excellents, le charme a opéré mais sans que nous puissions conclure.
Nous aurions pû les tirer 10 fois au vol, les lumières de la ville en face nous l’aurait permis mais cela n’aurait pas eu le même charme. Ah oui nous aurions sans doute fait des moissons mais en les tirant au vol de nuit, ce n’est pas ma conception de la hutte et je suis heureux que personne n’ait craqué !!! ( …)
Un truc de fou : plusieurs semaines après je les entend encore et les revois tourner. Bref !
Nous avons du mal à nous recoucher tandis que V reste aux créneaux.
Dans un demi-sommeil j’entends des chuchotements et les oies qui tapent ! je me relève et arrive aux créneaux ou on me dis qu’il tourne des moissons, ça dure depuis quelques minutes et de temps en temps on les voit passer dans les lueurs en face à 30 ou 40 m de haut ( il est quand même 05h30 du mat’ ). Elles ne sont pas décidées et s’en vont, 2 sarcelles passent comme des balles devant la hutte et posent direct à gauche dans les vagues du vent de Sud violent, on prend les fusils et contre toute attente elles se mettent dos au vent et nagent comme des folles droit sur les appelants.
S proteste « elles vont trop vite », moi je prétend qu’on doit tirer sinon elles seront dans les appelants et ce sera foutu, on compte , on tire , et hop RENVOLEES !!!!!
Et nous v’là partis à nous engueuler …
Faut dire que la fatigue, les 24 moissons, 2 sarcelles à 25 m dans les vagues renvolées sur un tir au commandement, ça stresse !!!
Bon, on se recouche et rebranle bas de combat !!!! Les 2 moissons sont revenues …
Et ça tourne et ça tourne … Et elles repartent …
Nous sommes en train de les regarder tourner, elles apparaissent de temps en temps en face quand elles prennent leur grand virage. Je pose les jumelles et voit un truc planer en face à 1 m de haut au dessus du champ et avant que j’ai le temps de dire quoi que ce soit Plouf dans la mare !
L l’a vu comme moi : « y a un truc qui vient de poser en arrivant à raz du champ !!! »
Les autres n’ont rien vu trop occupés par les 2 moissons qui tournent : je prend les jumelles et distingue une oie, sans pouvoir l’indentifier clairement, elle reste à 40 m ou plus et elle met à profit nos instants d’hésitation pour partir à berge en face dans l’ombre. Elle a disparu.
Bon sang les 2 moissons baissent : les voilà prenant le vent et baissant pour venir poser devant la hutte à 20 m !!! Elles papillonent juste en face à 2 ou 3 m de haut et font du sur place !!!!!!!!
Putain !!!!!!! C’est pas vrai , elles remontent encore, les oies attelées devant la hutte hurlent, les 2 moissons sont scotchées et reviennent encore, on les voit comme en plein jour juste devant, y a plus un bruit dans la hutte et nous sommes tous les 5 aux créneaux ….
Elles repartent encore, je les voit monter au Nord, tourner et revenir droit sur nous, le jar au Nord les accroche : au jumelle je les voit, « attention elles vont poser, les 2 ont les ailes bloquées à 50 m de la mare, elles visent le trou !!!!! »
Quand je les ai vu bloquer les ailes on aurait dit qu’elles visaient le trou qu’on avait laissé pour la pose : pile en face des 2 hallogènes qui sont au Nord à 2 kms de la mare ! Oui ces 2 p… d’hallogènes qui nous éblouissent toutes les nuits !!!!!
« Posées !!!!!!!! »
Les 2 moissons sont posées à moins de 30 m, je vois la première, toute seule, cou tendu dans le clair, la 2 eme est invisible, noyée dans les blettes et en plein dans la lueur éblouissante !!!! Nous sommes incapable de dire ou elle est … Nous ne voyons pas la 2eme, cela dure 5 sec, 10 sec, 30 sec et Hop renvolées !!!! Toutes les 2 …
On frise la crise de nerf là …
Il est 06h30 quasiment, ça fait presque 2 heures que ça dure !
V doit partir vers 07h30, on prépare un café tout en discutant, pas écoeuré mais dépité … Quel manque de réussite, mais quelle nuit !!!!! Et là L qui était reparti aux créneaux ne nous appele pas mais fait retentir le buzzeur signalant une pose.
Nous nous précipitons et L nous apprend que l’oie car c’est bien une oie est sortie de l’ombre et se présente à 40m, nous changeons de cartouches et au commandement la salve est impressionnante …
L se précipite dehors et nous le voyons revenir dans la hutte tenant fièrement une magnifique oie des moissons…
Enfin…
Et on a beau dire ce qu’on veut sur la chasse à la hutte mais des émotions comme celles là , et à oies en particulier ça vaut tout l’or du monde !